Vendredi 5 août 2016. Je n’eus pas besoin de réveil ce matin-là, il
était 5 heures quand j’ouvris les yeux et je quittai l’hôtel une heure
plus tard. Il me restait 4 kilomètres à parcourir et, lorsque j’arrivai
devant la cathédrale de Santiago, les portes n’étaient pas encore
ouvertes. Autour de moi tout semblait désert et je me retrouvai, durant
quelques instants, terriblement seule et désemparée. Quelques visiteurs
arrivèrent, peu de pèlerins à cette heure, le vigile ouvrit la porte et
je me mis à pleurer tant l’émotion était forte.
L’entrée principale par le Porche de la Gloire, sur la place de
l’Obradoiro, était fermée en raison de travaux de rénovation. J’ignorais
tout cela avant d’arriver sur les lieux et je me sentis perdue, sans
repères ni personne à qui parler. L’entrée dans la cathédrale se fit
donc par la place de la Quintana et c’est ainsi que je franchis la Porte
Sainte, le pape François ayant voulu une année sainte extraordinaire
avec le Jubilé de la Miséricorde. Lorsque je m’approchai du buste de
Saint-Jacques puis de son tombeau, je crois que je ne réalisais pas ce
qui était en train de se passer réellement.
En sortant de la cathédrale, je tombai nez à nez sur un couple de jeunes
mariés, Claire et Pascal. Je les avais croisés à plusieurs reprises
depuis Burgos, là où ils avaient repris leur chemin en 2016. J’étais
tellement émue que je pleurai de nouveau dans les bras de Claire. C’est
alors qu’ils me montrèrent la plaque au sol du km 0 située sur la place
de l’Obradoiro, je ne l’avais même pas vue ! Il faut dire que je n’avais
vu personne sur cette place à mon arrivée, le jour était à peine levé.
Puis je me rendis à l'Oficina del peregrino, pour faire tamponner ma
crédenciale et recevoir ma Compostela. Depuis mon départ de Cluny,
j’avais parcouru plus de 1800 kilomètres. Ceci dit, je refusai de payer
3€ pour obtenir un certificat attestant des kilomètres effectués. Je
n’avais rien à prouver.
Vers 9 heures, je retournai à la cathédrale pour assister à la messe
célébrée en français dans la chapelle Saint-Sauveur, appelée aussi
chapelle des Rois de France. Je suivis le parcours de la Miséricorde,
effectuant les gestes symboliques (l’abrazo) sur le buste de
Saint-Jacques, avant d’emprunter de nouveau le passage dans la crypte,
et me recueillir un court instant devant le tombeau.
Un peu plus tard, après avoir trouvé une chambre d’hôtel sur la praza
Galicia, je revins vers la cathédrale pour faire d’autres photos plus
lumineuses. Il y avait davantage de personnes, ce fut une toute autre
ambiance et je n’eus pas le sentiment d’avoir ma place parmi tous ces
touristes, aussi je ne restai pas longtemps.
De retour à l’hôtel, je craquai. Des sanglots à n’en plus finir, la
vanne était ouverte et je n’arrivais pas à la refermer. La force des
flots m’emporta. Moi qui avais voulu la solitude pour mon arrivée à
Saint-Jacques de Compostelle, je ne supportais plus d’être seule. Il me
fallait partager la joie, l’émotion, le bonheur intense, mais aussi la
tristesse d’être enfin, déjà, arrivée. Se pouvait-il que mon Chemin soit
déjà fini ?
Florence |