Le berger
Je
mets souvent cette photo en fond d’écran en me disant qu’il n’y a pas,
pour moi, de meilleure illustration du temps qui suspend son vol… Il y
a pourtant déjà 14 ans.
C’était en octobre 2006. Nous avions fini le Camino Francés – si tant
est qu’on le « termine » vraiment… Nous errions au hasard des petites
routes, en voiture de Toulouse à Marseille. On a trouvé un petit hôtel
de campagne pour dormir, et alors que la nuit finissait à peine, on a
repris nos bâtons pour marcher quelques kilomètres dans l’aube
naissante. L’air du matin que l’on avait fréquenté jour après jour nous
manquait. Le silence du chemin aussi. Ce silence qui n’en est pas un.
Le détachement. Cette impression d’être hors du temps et des aléas de
la vie que l’on ressent tous sans doute, à un moment de notre marche
sur le Camino. Silencieux, Monique et moi, nostalgiques déjà, un peu
tristes de retrouver notre Québec bien-aimé dans quelques jours. Quelle
ironie! « Fais du feu dans la cheminée, je reviens chez nous… » Au bout
de quelques kilomètres, on a fait demi-tour. La petite route serpentait
en pente douce vers ce hameau dont j’ai même oublié le nom. C’est mieux
ainsi. Entre nous deux, c’est depuis ce jour, le coin aux moutons, au
berger … Tu sais, mon amour ? Oui, je sais. Dans une courbe, nous
l’avons rattrapé lui et ses moutons. Nous les avons suivis sans dire un
mot. Quand tout sera fini. Quand nous fermerons nos yeux à tout jamais.
C’est ici que j’aimerais revenir passer l’éternité avec toi. Marcher
derrière eux. Voir le chien se retourner, nous regarder un bref
instant. Entendre les cloches, ton pas à mes côtés. Vivants…
Charly Bouchara
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