Octobre 2020. Partir sur les chemins de Compostelle, je devrais même
dire repartir en période de Covid.
Suite à mon arrêt forcé en avril 2019, pour une tendinite tenace, je
n’avais qu’une envie, un besoin, c’est de poursuivre mon chemin débuté à
Arles et stoppé net à Jaca, de l’autre côté de la frontière française,
dans les Pyrénées.
Tout d’abord, cinq jours de marche pour retrouver la vallée d’Aspe et le
dernier village des Pyrénées, Lescun. Bien que certains hébergements
soient fermés, mon cheminement se déroule bien, malgré les contraintes
liées au Covid, port du masque, distanciation, pas de possibilité
d’utiliser le coin cuisine dans les hébergements.
Hélas le beau temps n’est pas de la partie, mais je vais essayer de
franchir la barrière pyrénéenne par le Col de Pau perché à 1942 m. Les
premières heures d’une étape de 34 km se déroulent dans un cadre
verdoyant de forêts de sapins et de pâturages où résonnent les cloches
accrochées au cou des troupeaux de vaches. La pluie fine fait place à un
brouillard qui s’épaissit au fur et à mesure de ma progression vers les
sommets. Je dépasse les 1500 m et la pluie se transforme en neige, le
sentier se laisse encore deviner. Il me faut une heure supplémentaire
pour atteindre le col, mais la neige, ce joli tapis de coton, recouvre
complètement le sol pour ne faire qu’une étendue blanche. J’hésite et je
tâtonne pour tracer mon chemin dans une poudreuse de 10 cm. Le vent
souffle fort, le grésil fouette le visage, j’ai peine à lever la tête,
mais enfin je devine un panneau, là devant moi, il indique le passage du
col. Me voici en Espagne, ne reste plus qu’à descendre toujours dans un
brouillard épais vers le fond de la vallée située à 3 h. De ce côté-ci,
des petits piquets dépassent de temps à autre de quelques centimètres,
la neige et simplifient ma progression. Enfin j’évolue sous le
brouillard, facilitant ma descente vers Sireza, première bourgade côté
espagnol...
Je termine ma pérégrination en arrivant dans un Santiago quasiment
endormi. Pas un touriste, pas un pèlerin dans les rues, même sur la
place d’Obradoiro, au pied de la Cathédrale. Cette sensation est
étrange, comme si j’assistais à une fin du monde. Mais que de beaux
souvenirs dans la tête pour faire mon retour en train sur deux jours et
retrouver un confinement total à la maison.
Jean-Yves Houdemont |