Extrait de mon carnet de route sur la Voie de Vézelay.
Jeudi 18 mai 2017 : Mussidan - Sainte Foy la Grande
J'avais décidé de faire une petite étape, mais à 11h00, je retrouve Guy
devant l'église de Saint-Géry. Dans 2 km, nous serons arrivés au terme de
l'étape. Un peu tôt pour arrêter. Je me décide à continuer. Après avoir
décommandé ma réservation, je reprends le Chemin sans Guy qui, lui,
s'arrête quand-même.
Un peu avant midi, la pluie s'abat sur moi, accompagnée de bourrasques de
vent. Un vrai déluge qui va continuer pendant la petite vingtaine de km
qui me séparent de Sainte-Foy ...
A part les ceps de vignes noircis par le gel, je ne remarquerai pas grand
chose le long du parcours. Engoncé dans ma cape de pluie, les doigts
gelés sur les bâtons, je fonce le plus vite possible.
Pour arranger le tout, des travaux d'enfouissement de canalisations ont
emprunté une partie de l'itinéraire. De la boue collante et d'énormes
flaques ralentissent ma progression.
Descente dangereuse avant d'arriver à Sainte-Foy. Il pleut toujours
autant, avec du vent de plus en plus violent. Je traverse la Dordogne par
un vieux pont et j'entre dans Sainte-Foy. Je me dirige vers l'Hôpital
où je sais qu'un accueil pour pèlerins est prévu. La réceptionniste
m'indique l'adresse où les pèlerins sont accueillis et partagent les
lieux avec des sans-abri.
Il y a là Jean-Luc, personne de haute taille, perché sur ses chaussures
orthopédiques. Il a énormément de difficultés à marcher. Il me dira
plus tard qu'il sait travailler dans les vignes, mais que son manque de
moyen de locomotion le condamne irrémédiablement.
Il y a aussi Mr Gauthier, 85 ans. Râleur, irascible. Peut-on lui en
vouloir ? Il a pourtant le look d'un philosophe avec ses longs cheveux
blancs ...
Une dame vient me donner de quoi préparer mon petit-déjeuner de demain
et m'indiquer la marche à suivre ici. Les locaux sont petits et assez
vétustes, mais, ô bonheur, quand j'ouvre le robinet de la douche, l'eau
chaude coule instantanément.
Quel plaisir que cette eau là !
Vendredi 19 mai 2017. Sainte-Foy - Pellegrue
Difficile de m'endormir en pensant à la vie misérable de mes deux
colocataires. Nuit agitée aussi. Trop de km sous le mauvais temps ...
Petit déjeuner rapide, seul dans la petite cuisine.
Au moment de partir, je croise Jean-Luc qui me souhaite bonne route. Je
décide alors de renter dans la boulangerie toute proche . Je retourne à
l'accueil avec deux croissants que j'offre à mes deux voisins d'une
nuit. Leurs regards brillants me servent de remerciements ...
Patrice Hénaut |