Une grand-mère et son petit-fils sur le chemin
! Une grand-mère, seule, confinée, nostalgique, les jambes impatientes,
frustrée par un départ vers Rome annulé. Prévue en mai, la marche sur
la Francigena italienne est remise !
Une tristesse immense.
Alors, je marche dans ma tête avec un beau souvenir.
En juillet 2019, 10 jours inoubliables au départ du Puy avec un de mes
petits-fils, Benoît, 10 ans. Sac à dos tout neuf à sa taille, 3kg, plus
l’eau. Bâton à la main, bien chaussé, chapeau à larges bords, le regard
curieux et fier, il trotte devant moi.
Nous sommes assez nombreux à prendre le départ et très vite les pèlerins
interpellent mon Benoît, pas timide du tout, qui répond avec assurance
et sérieux. Il devient rapidement la mascotte du chemin : « quelle
chance tu as de faire le pèlerinage avec ta grand’mère ….. !!! ».
Nous faisons étape dans des fermes où nos hôtes le font participer au
rassemblement du troupeau, à la traite et à la fabrication des
fromages …. Il ne s’ennuie pas !
La grandeur des paysages de l’Aubrac avec ses vaches à la robe ocrée et
aux cornes effilées, si gracieuses, ne le laisse pas insensible.
Je sens un lien fort se tisser entre lui et moi, nous parlons de tout en
toute liberté.
Au gîte, quand je déballe mon sac, je le vois m’observer du coin de
l’œil, de façon à refaire mes gestes, il devient très vite tout à fait
autonome, il se responsabilise rapidement.
Nous atteignons Saint Côme d’Olt, au si joli et rare clocher en vrille. Il
est temps de penser au retour. C’est un dimanche, le Tour de France à
vélo passe dans le coin empêchant tout bus de circuler. Impossible de
rejoindre une gare. Il a fallu faire du stop pour remonter vers
Aumont-Aubrac, et récupérer un train à Clermont Ferrand pour Paris.
Faire du stop lui parut incongru : « on dirait que nous sommes des SDF…
!!! ». Mais il en rit aujourd’hui ! Cela a très bien marché, et il a constaté que sur le chemin, il y
avait une entraide forte.
Cette expérience nous a été riche en émotions, bonheurs, douleurs
aussi, partagés !
Je l’ai vu observer, s’interroger, réfléchir et comprendre !
Et cette année, tous les deux, nous avons une furieuse envie d’enfiler
nos godillots et de fouler la terre du chemin pour de nouvelles
rencontres, de nouvelles tablées riantes le soir, et pour d’autres
départs au petit matin frais.
Si le confinement se prolonge, il n’est pas certain que le départ pourra
se faire en juillet ...
Brigitte |
Regards proustiens ...
Merci à Brigitte de nous avoir entrouvert son carnet de route sur le chemin du Puy-en-Velay avec Benoît son petit-fils. Je suis toujours touché par ces expériences inter-générationnelles. Le Chemin de Compostelle est en effet une belle métaphore et allégorie du Chemin de la Vie. Votre cheminement oscille entre l'école buissonnière et l'école Montessori, avec des leçons d'humilité où l'on découvre les valeurs de la bonté, de la générosité, de l'écoute et du partage. Au fil des étapes, convivialité et méditation au rendez-vous, au cœur d'une nature qui sait être généreuse avec ceux qui la respectent. Tous les deux, vous écrivez votre livre de recettes du Bonheur avec les lentilles du Puy, l'Alligot ... et dans quelques décennies, Benoît y retrouvera les saveurs de la Madeleine de Proust. Vient toujours le jour où l'on part à la Recherche du Temps Perdu par des chemins du côté de Guermantes ou ailleurs ... Je vous souhaite pour longtemps encore de mêler vos ombres allongées au soleil levant du petit matin sur le sentier ouvert sur un horizon qui s’annonce prometteur de belles complicités ...
Christian |